Le titre de cet article peut prêter à sourire à une époque où l’on manque de médecins et où les déserts médicaux se multiplient. Pourtant pouvoir choisir son médecin est une démarche essentielle pour établir ou renforcer le rapport de confiance entre le patient et son médecin.
Cependant les structures médicales telles que les cliniques ou les hôpitaux ne permettent pas toujours facilement l’exercice de ce libre choix.
Il convient de distinguer les conventions conclues entre médecins libéraux et les institutions qui, par leur fonctionnement, pourraient porter atteinte au libre choix.
FONDEMENTS JURIDIQUES DU LIBRE CHOIX
L’article L.1110-8 du code de la santé publique dispose : « Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire ».
Le libre choix du médecin fait l’objet d’une jurisprudence importante tant de la Cour de cassation que du Conseil d’État.
Le Conseil d’État qualifie cette liberté de principe général, ce dont il déduit qu’elle s’impose à toutes les autorités réglementaires même en l’absence de dispositions législatives (CE 18 février 1998).
La majorité des décisions judiciaires sanctionne des atteintes volontaires ou involontaires à ce principe.
Les contrats présentant une incidence sur le sort d’une clientèle médicale, ne doivent pas surprendre la confiance de celle-ci (Cass. 16 mars 1943).
LES CONVENTIONS SUSCEPTIBLES D’Y FAIRE OBSTACLE
La convention appelée improprement cession de patientèle, « cet obscur objet d’appropriation » ne peut avoir pour effet une atteinte à la liberté de choix du patient même si en raison du manque de médecin il est contraint d’accepter un nouveau praticien.
Selon l’adage donner et retenir ne vaut, un médecin ne peut céder sa clientèle tout en en retenant une partie. Ainsi le cédant ne peut reprocher à une cour d’appel d’avoir annulé une cession partielle de clientèle consentie par lui aux motifs que la pathologie des malades concernés, en ce qu’elle requérait des soins de dialyse avec appareillage faisait obstacle à la liberté de choix de médecin traitant comme de lieu d’exécution. La cour d’appel en a déduit que la liberté de choix n’était pas respectée en l’espèce (Cass. 30 juin 2004).
La patientèle cet obscur droit d’appropriation.
Une décision récente de la Cour de cassation rappelle le principe suivant lequel « on ne part pas avec sa clientèle ». Un médecin exerçant en SEL ne dispose pas de sa propre clientèle même si certains patients le désignent comme médecin référent. Après rupture de leur collaboration l’un d’eux s’était installé à proximité et a demandé à son ancien associé de transmettre aux patients de longue durée dont il était le médecin référent, ses nouvelles coordonnées. Celui-ci a refusé la clientèle appartenant à la SEL et non à l’un d’eux (Cass. 15 nov. 2023).
On ne part pas avec sa clientèle.
Il arrive que pour des raisons financières un médecin bénéficie au sein d’un établissement de santé d’une exclusivité ou d’un droit de préférence interdisant à une clinique de faire appel à des praticiens de même spécialité pour ne pas concurrencer ce dernier. Cette disposition ne pose aucun problème juridique pour le patient ne manifestant aucun choix mais ne peut non plus faire obstacle à son libre choix.
LE LIBRE CHOIX À L’HÔPITAL
Le malade en hôpital public se trouve dans une situation statutaire excluant la relation contractuelle avec l’établissement.
Les malades ont,sauf cas d’urgence,le choix du service dans lequel ils souhaitent être admis, ceci dans la limite de l’organisation des services et de la disponibilité des personnels hospitaliers.
Un patient avait été pris en charge au sein d’un service d’hématologie d’un hôpital depuis 2013 pour un lymphome. L’adjointe de la directrice du groupe hospitalier avait décidé de mettre fin à sa prise en charge et l’avait dirigé vers une autre structure hospitalière.L’intéressé estimant que cette décision constituait une atteinte au principe de libre choix de son praticien engage une procédure judiciaire contre l’établissement.
Il convient de préciser, à la décharge de l’établissement que le patient refusait de se soumettre aux contrôles prescrits par son médecin. Le patiente
est débouté.
Tout établissement ou section d’accouchement doit disposer d’un médecin qualifié en pédiatrie chargé de l’examen médical du nouveau-né et de l’établissement du certificat de santé obligatoire « sauf recours de la femme à un autre praticien ».
En conséquence, une polyclinique ne peut refuser l’accès de ses locaux à un pédiatre non attaché à son établissement, lorsqu’une patiente fait appel aux services de ce praticien (Cass. 6 mai 2003).
SUBSTITUTION NON CONVENUE
Il arrive que pour diverses raisons un médecin se fasse remplacer par un confrère portant ainsi atteinte au choix exprimé par le malade. Bien que cette pratique n’ait rien d’illicite elle est susceptible d’engager la responsabilité du praticien remplacé en cas de dommage consécutif aux soins dispensés et notamment si le médecin substitué n’avait pas les qualifications requises (Cass. 12 juillet 1976).
MÉSENTENTE MÉDECIN-MALADE
Le médecin a la possibilité, sauf urgence, de refuser de prendre en charge un patient soit pour des raisons de surcharge du cabinet soit pour incompatibilité caractérielle sans qu’il y ait dans ce cas atteinte au libre choix.
Le contrat médical peut être aussi rompu par le patient.
LES TARIFS DE L’ASSURANCE MALADIE
Les tarifs d’assurance maladie retenus par les caisses peuvent aussi dissuader les patients de choisir tel ou tel établissement de soins dont le remboursement des prestations sera inférieur aux sommes déboursées. Ainsi le patient peut être contraint de choisir un établissement de soins proche de son domicile même s’il est moins bien équipé que celui du département voisin.
LES SOCIÉTÉS CIVILES PROFESSIONNELLES
Elles sont régies par le décret du 14 juin 1977 exclusivement destinées aux professions libérales comme les médecins généralistes ou spécialistes. Le texte précité dispose que la profession est exercée par la personne morale. Il précise que les statuts ne peuvent prévoir de clauses de nature à porter atteinte au libre choix du malade. Ce dernier peut manifester sa préférence pour l’un des associés ou rejeter l’intervention de tel autre.
CONCLUSION
La liberté de choisir son médecin demeure un principe fondamental. Les critères de ce choix sont variables et reposent très souvent sur les conseils et appréciations exprimées dans l'entourage du patient.
Quels que soient les motifs de ce choix, un lien de confiance indispensable à une bonne pratique du suivi médical est de nature à éviter de trop nombreux conflits qui n'ont dès lors pas lieu d'être.