Editorial de Éric Gibert, Président de la FFR

« L’ÉCOLOGIE : AVENIR DE
LA SANTÉ ET NOUVEL HORIZON DE LA MÉDECINE ? » 

« Voir un lien entre la pollution de l’air, la biodiversité et la Covid-19 relève du surréalisme, pas de la science ! » affirmait en mars 2020, Luc Ferry, ancien ministre et philosophe.
Pourtant le retour des vacances d’été nous a gratifiés d’un bel effet papillon ; plusieurs éléments d’actualité se sont télescopés : après 45 ans d’existence, et plusieurs déconvenues et échecs, le droit d’ingérence humanitaire s’est fracassé en Afghanistan, les catastrophes climatiques se sont multipliées autour de la planète, les problèmes de santé liés à la pandémie nous interrogent sur notre proche avenir.
Ces déséquilibres nous obligent à réfléchir à un droit d’ingérence climatique et de santé.
Ainsi le 6 septembre dans un éditorial commun, les rédacteurs en chef d’une vingtaine de grandes revues scientifiques, dont le Lancet et le British Medical Journal, appellent à ne pas différer les mesures d’urgence pour lutter contre le réchauffement climatique.
Il s’agit même de 220 revues médicales qui vont interpeller les politiques pour lutter contre la destruction de la Nature et revoir complètement notre point de vue sur la notion de biodiversité.
« Il faut que 2021 soit l’année durant laquelle notre planète change de cap : notre santé à tous en dépend » conclut Fiona Godlee, rédactrice en chef du BMJ.
Alors que nous n’en avons pas fini avec cette pandémie, cette année 2021 nous aura révélé l’ampleur des changements climatiques que nous vivrons bientôt au quotidien.
De nombreux experts nous interpellent sur la responsabilité de notre action dans la diminution mondiale de la biodiversité et y relient l’apparition de cette première pandémie mondiale du XXIe siècle.
Ils nous en promettent beaucoup d’autres, depuis le début de la fonte du pergélisol et la découverte de nombreux virus et bactéries endormis dans des cadavres d’animaux et d’humains décongelés.
Cette pandémie vient témoigner de la réalité d’un phénomène que les auteurs de science-fiction avaient déjà anticipé de longue date, notamment « Le Dernier Homme » de Mickael Crichton.
La responsabilité du dérèglement climatique et la destruction humaine de la biodiversité comme créateurs de pandémies avaient été évoquées par de nombreux chercheurs.
Ainsi il faut lire ce très intéressant et passionnant livre de Marie-Monique Robin : « La fabrique des pandémies ».
Elle a interrogé de nombreux spécialistes qui ont déconstruit la pensée ancienne, qui voulait que la biodiversité, augmentant le nombre d’espèces porteuses de pathogènes, puisse être toxique pour l’homme mais la réalité des expériences sur le terrain est tout autre.

Ces experts internationaux en témoignent par de nombreuses études conduites dans plusieurs territoires de la planète et les exemples sont éloquents. L’équilibre entre proies et prédateurs a toujours permis l’homéostasie du vivant et si les déséquilibres ont longtemps été le fait de catastrophes naturelles (météorites géantes, volcans, tremblements de terre, etc.), l’Homme en est devenu le principal pourvoyeur, d’où le mot d’anthropocène pour parler de ce nouveau cycle.
Nous pouvons encore revoir nos objectifs et la résilience est encore possible comme par exemple, la destruction du dernier loup par les hommes dans les années 1930, dans le parc de Yellowstone aux USA, a créé un déséquilibre et entraîné une augmentation de la population des cervidés qui, sans prédateurs, ont abîmé sérieusement la végétation et réduit la possibilité du développement des autres espèces survivantes.
La réintroduction en 1995 du loup(1) a, en quelques années, ressuscité des espèces en voie d’extinction comme les castors, différentes espèces d’oiseaux puis les ours sont réapparus. Enfin les bisons revenus, avec une belle natalité, ont amélioré la survie des espèces pendant les durs mois d’hiver : chacun porte son équilibre.
Le programme de l’UNESCO, « Man and Biosphere », a préservé en 50 ans une surface de territoires équivalente à l’Australie où hommes, animaux et biodiversité vivent en symbiose(2).
Mais la biodiversité existe aussi à notre échelle d’humains : c’est notre microbiote.

L’Homme a toujours vécu en symbiose avec des parasites et l’évolution a sélectionné des équilibres comme la drépanocytose et le paludisme, la vaccine et la variole.
Nous découvrons la grande complexité de notre vivant : cette biodiversité pas seulement intestinale mais aussi buccale, vaginale et cutanée contribue à notre stabilité corporelle et psychique.
Cet équilibre s’avère beaucoup plus subtil et le respect de leurs compositions est un enjeu de notre bonne santé, notre interdépendance se révèle beaucoup plus étroite pour maintenir notre homéostasie, tous les jours sa responsabilité dans de nombreuses pathologies se révèle importante.
La pandémie nous a contraints à une pause mondiale de nos échanges, et les catastrophes cumulées de ces derniers mois nous ont collectivement obligés à réfléchir sur l’avenir de l’Humanité sur cette Terre.
Une révolution intellectuelle, philosophique, est en cours qui doit instituer un partage transversal des connaissances dans toutes les disciplines et non par silos comme aujourd’hui.
Il s’agit de modifier toute notre stratégie future de développement humain dans un cadre global respectueux des autres espèces et de cette Nature dont nous avons tant besoin pour vivre.
Réduire l’insécurité alimentaire et la pauvreté tout en préservant la biodiversité, en particulier dans les pays en voie de développement, est un des grands défis de maintenant et pour les nouvelles générations, celles de nos enfants et petits-enfants.

Éric Gibert

Président de la FFR

Le Rhumatologue - No. 109
No. 109 Novembre 2021

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